Toute la vérité

Le texte de Sol (Marc Favreau) écrit peu avant sa mort.
Le texte de Sol (Marc Favreau) écrit peu avant sa mort.




Le texte de Sol (Marc Favreau) écrit peu avant sa mort.
"Vous vous rappelez de l'unique et tendre humoriste Sol ? Voici un de ses plus beaux et derniers écrits."

Marc Favreau est né à Montréal le 9 novembre 1929. Il était un humoriste et comédien très talentueux.



Il est principalement connu pour son personnage de Sol, le clown clochard. Ses textes à la fois naïfs, poétiques et humoristiques ont fait le bonheur du public, aussi bien au Québec que dans la francophonie.



Il décède du cancer à l'âge de 76 ans à l'hôpital Notre-Dame à Montréal. Il était marié à la comédienne Micheline Gérin.



Voici l'un de ses derniers écrit...



Le crépuscule des vieux



Des fois, j'ai hâte d'être un vieux.

Ils sont bien, les vieux, on est bon pour eux, ils sont

biens.



Ils ont personne qui les force à travailler; on veut pas

qu'ils se fatiguent.

Même que la plusssspart du temps, on les laisse pas finir

leur ouvrage.

On les stoppe, on les interruptionne, on les retraite

fermée.



On leur donne leur appréhension de vieillesse et ils sont

en vacances....



Ah! Ils sont bien les vieux!



Et puis, comme ils ont fini de grandir,

ils ont pas besoin de manger tant tellement beaucoup.



Ils ont personne qui les force à manger.



Alors de temps en temps,

ils se croquevillent un petit biscuit

ou bien ils se retartinent du pain avec du beurre

d'arrache- pied,

ou bien ils regardent pousser leur rhubarbe dans leur

soupe...



Ils sont bien...



Jamais ils sont pressés non plus.

Ils ont tout leur bon vieux temps.

Ils ont personne qui les force à aller vite;

ils peuvent mettre des heures et des heures à tergiverser

la rue...



Et plus ils sont vieux, plus on est bon pour eux.

On les laisse même plus marcher...

On les roule...

Et puis d'ailleurs,

ils auraient même pas besoin de sortir du tout;

ils ont personne qui les attendresse...









Et l'hiver...

Ouille, l'hiver!

C'est là qu'ils sont le mieux, les vieux;

ils ont pas besoin de douzaines de quatorze soleils...



Non!



On leur donne un foyer,

un beau petit foyer modique qui décrépite,

pour qu'ils se chaufferettes les mitaines...



Ouille, oui l'hiver, ils sont bien.

Ils sont drôlement bien isolés...

Ils ont personne qui les dérange.

Personne pour les empêcher de bercer leur ennuitouflé...



Tranquillement, ils effeuillettent

et revisionnent leur jeunesse rétroactive;

qu'ils oublient à mesure sur leur vieille

malcommode...



Ah! Ils sont bien...!



Sur leur guéridon, par exemple, ils ont une bouteille,

petite, bleue.

Et quand ils ont des maux, les vieux,

des maux qu'ils peuvent pas comprendre,

des maux mystères;

alors à la petite cuiller, ils les endorlotent et les

amadouillent...



Ils ont personne qui les garde malades.

Ils ont personne pour les assistés soucieux...



Ils sont drôlement bien...!



Ils ont même pas besoin d'horloge non plus,

pour entendre les aiguilles tricoter les secondes...



Ils ont personne qui les empêche d'avoir

l'oreillette en dedans,

pour écouter leur coeur qui grelinde et qui frilotte,

pour écouter leur corps se débattre tout seul...



Ils ont personne qui...



Ils ont personne...

Sol, Marc Favreau



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